Lexique

Entrées prévues (celles qui ont déjà été traitées sont en gras et se trouvent ci-dessous):

    binarité du genre; non-binarité
    black feminism; womanism
    complémentarité
    construction du genre; constructivisme
    différence des sexes; différentialisme
    division sexuée du travail
    essentialisme
    féminisme
    féminité
    genre
    identité de genre
    intersectionnalité
    intersexe; intersexualité / intersexuation
    masculinité; masculinité hégémonique
    orientation sexuelle; orientation romantique
    parité
    patriarcat, hétéropatriarcat; domination masculine
    point de vue (standpoint)
    privilège (social)
    queer
    rapports sociaux de sexe
    sexe
    sexisme, hétérosexisme; misogynie
    sexualité
    socialisation genrée
    transgenre, transidentité, cisgenre
    violences de genre

CONSTRUCTIONNISME

Articles de ce blog traitant du constructionnisme:
Le genre est un construction sociale: qu’est-ce que cela veut dire?
Quels sont les rapports entre sexe et genre?

Une précision terminologique d’abord: on trouve souvent (y compris sur ce blog) les termes constructionnisme et constructivisme employés comme équivalents, mais ils ne le sont pas. Sans rentrer dans les détails, je signale simplement que le constructivisme réfère à une position théorique en sociologie de la connaissance; ce qui nous intéresse, c’est le constructionnisme, aussi appelé (histoire d’embrouiller un peu plus les choses) constructivisme social ou encore constructivisme empirique.

L’expression « construction sociale », qui s’applique notamment au genre, émerge en sciences humaines dans les années 1960 dans le cadre de l’opposition à l’essentialisme (cf. ESSENTIALISME). Il s’agit de mettre en évidence la manière dont les acteurs sociaux, à travers leurs discours et leurs actions, construisent la réalité sociale. Le genre et la « race » sont deux exemples de constructions sociales. Ce sont des catégories qui paraissent incontournables, inévitables, déterminées par la nature; mais les chercheur·es en sciences humaines montrent comment, à partir de différences constatées de manière plus ou moins objective (apparence, comportement…), les acteurs sociaux associent à ces différences des caractéristiques et des valeurs qui ne sont pas « naturelles » mais sociales. Ainsi, à la division de l’humanité en deux catégories sexuelles apparemment binaires, « femelles » et « mâles », se sont ajoutées des divisions ayant à voir avec le comportement, les rôles sociaux, l’habillement, etc. qui sont de nature sociale. C’est cela qu’on appelle le genre. Autrement dit, « on ne naît pas femme, on le devient ».

Le concept de construction sociale a des conséquences politiques importantes. En effet, il implique que la hiérarchie imposée par le genre n’est pas imposée par la nature, par une essence immuable. Elle n’est pas un donné vrai pour l’humanité en tous temps et en tous lieux, mais une construction variable selon le lieu et l’époque et qu’il est possible de mettre au jour, de faire évoluer, voire de radicalement bouleverser.

ESSENTIALISME

Ce terme revêt différents sens selon qu’il est employé en biologie, en philosophie ou en sociologie. C’est le dernier sens qui prévaut dans la théorie féministe et les études de genre, résumé ainsi dans un article portant sur le lien entre essentialisme et politiques de l’identité:

L’essentialisme est l’idée selon laquelle des groupes de gens pourraient être définis par certaines caractéristiques essentielles, visibles et objectives, qui seraient inhérentes aux individu·es, éternelles et inaltérables. La segmentation en groupes peut être faite selon ces caractéristiques relatives à l’essence des personnes, elles-mêmes fondées sur des critères problématiques tels que le genre, la race, l’ethnie, l’origine nationale, l’orientation sexuelle et la classe.

Les études de genre et la tendance majoritaire du féminisme contemporain se définissent par opposition à l’essentialisme, dans la lignée de l’affirmation célèbre de Simone de Beauvoir: « On ne naît pas femme, on le devient » (cf. CONSTRUCTIONNISME). Il s’agit cependant d’un point de conflit majeur dans la pensée féministe. Par exemple, même si l’anti-essentialisme semble aujourd’hui majoritaire, en particulier dans la nouvelle génération de militant·es, il existe aussi une tendance féministe essentialiste. C’est le cas de ce que les féministes américaines nomment à partir des années 70-80 « French feminism », rassemblant par là des féministes comme Luce Irigaray ou Julia Kristeva, qui cherchent à mettre en avant des qualités spécifiques féminines afin de contrer la dévalorisation du féminin et de trouver par là une voie d’émancipation.

Mais l’opposition n’est pas seulement entre essentialisme et anti-essentialisme. Gayatri Spivak, par exemple, prône dans le cadre d’une réflexion post-coloniale un « essentialisme stratégique », qui doit permettre d’accéder en quelque sorte à ce qu’il se passe dans l’esprit du dominant, d’adopter son point de vue afin de trouver la meilleure stratégie politique possible pour mettre fin aux politiques de domination. Le but, pour Spivak, est de comprendre les fondements de la pensée essentialiste (qu’elle s’applique aux catégories de sexe, de « race »…) afin d’en démonter les rouages et de remettre en cause l’ensemble du système qui cause l’oppression des groupes en question.

FEMINITE

Il me semble intéressant de commencer cette entrée par le constat d'une absence. La féminité est un objet évidemment très important pour les féministes et les études de genre, qu'on dissèque depuis des dizaines d'années. Pourtant, si l'on ouvre un manuel aussi important que l'Introduction aux études sur le genre (de boeck 2012), et que l’on consulte l’index, on ne trouve pas d’entrée « féminité », seulement une entrée « féminin-privé ». On trouve en revanche une entrée « masculinité/masculinité hégémonique » (traitée à part dans ce lexique) ainsi que « masculin-public ». La féminité, omniprésente dans l’argumentaire féministe autant que dans les magazines féminins, irait-elle finalement de soi?

Quelques articles de ce blog ayant traité de la féminité:

    Caractéristique « féminines », caractéristiques « masculines »
    Dans ma bibliothèque – Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe
    Cyborg Thatcher
    Dans ma bibliothèque – Mona Chollet, Beauté fatale
    – et mon tout premier billet sur ce blog: « Sois belle et… »: féminité et injonction de beauté

En France, c’est Simone de Beauvoir qui dénonce la première et de la manière la plus percutante les mythes associés à la féminité et la façon dont celle-ci est définie exclusivement par les hommes. Elle montre dans Le Deuxième sexe que la féminité est définie culturellement par la passivité et comme différence: le masculin va de soi; le féminin est l’Autre, ce qui n’est pas masculin. Elle répond ainsi à ceux qui, déjà à l’époque (le livre est publié en 1949), crient à la disparition de la féminité:

[…] on nous dit que « la féminité est en péril » ; on nous exhorte : « Soyez femmes, restez femmes, devenez femmes. » Tout être humain femelle n’est donc pas nécessairement une femme ; il lui faut participer de cette réalité mystérieuse et menacée qu’est la féminité. Celle-ci est-elle sécrétée par les ovaires? ou figée au fond d’un ciel platonicien? Suffit-il d’un jupon à frou-frou pour la faire descendre sur terre ? Bien que certaines femmes s’efforcent avec zèle de l’incarner, le modèle n’en a jamais été déposé. On la décrit volontiers en termes vagues et miroitants qui semblent empruntés au vocabulaire des voyantes. […] S’il n’y a plus aujourd’hui de féminité, c’est qu’il n’y en a jamais eu.

Cette affirmation provocatrice (il n’y a jamais eu de féminité) signifie que la féminité est une construction sociale: elle n’a pas d’existence tangible, elle est un mythe utilisé pour s’assurer de la soumission des femmes. Ce mythe est lié à celui d’une « nature féminine », de « l’éternel féminin »; Simone de Beauvoir ajoute plus loin: « Refuser les notions d’éternel féminin, d’âme noire, de caractère juif, ce n’est pas nier qu’il y ait aujourd’hui des Juifs, des Noirs, des femmes ».

La conception féministe de la féminité, reprise dans les études de genre, est largement dépendante de ce geste démystificateur de Simone de Beauvoir. On s’attache donc à montrer quels sont les attributs sociaux, c’est-à-dire les stéréotypes, attachés culturellement à la féminité: douceur, beauté, grâce, etc. Ces stéréotypes sont véhiculés par les discours, quels qu’ils soient: magazines féminins, publicité, culture populaire… On montre aussi que ces attributs ont presque tous à voir avec l’apparence et un comportement passif, avec le domaine privé, et non avec un quelconque pouvoir. Ils sont également largement dévalorisés, au contraire des attributs considérés comme masculins.

Caractéristiques "féminines"

Caractéristiques « féminines »

GENRE

Sur la page « Genre? », et à de nombreuses autres reprises, j’ai défini ce concept. Quelques exemples:

    Le genre est une construction sociale: qu’est-ce que cela veut dire?
    Parlons de genre
    Quels sont les rapports entre sexe et genre?

Je précise à chaque fois que la définition que j’utilise, et qui est largement employée par les chercheur·es en études de genre, implique normalement d’employer le singulier (le genre, et non les genres). On considère alors que le genre est un système qui produit de la différence et, en même temps, de la hiérarchie. Cela signifie qu’à partir de différences anatomiques constatées, on organise un système qui différencie des valeurs et attributs « féminins » et « masculins » auxquels on attribue une valeur différente. Cette définition met aussi l’accent sur le fait que cette différenciation est une bipartition stricte: le genre est un système binaire, masculin / féminin, hors duquel point de salut. Enfin, les sociologues et historien·nes du genre ont montré que non seulement « être un homme » et « être une femme » ne signifie pas la même chose selon le milieu, l’endroit et l’époque, mais aussi que, loin d’être inné, cela s’apprend. (cf. l’entrée socialisation genrée).

Mais si je précise que telle est la définition que j’utilise, c’est que j’opère une choix parmi plusieurs définitions possibles. C’est l’une des raisons pour lesquelles parler de LA « théorie du genre » est un énorme contre-sens. Il n’existe pas une définition ni une théorie sur laquelle s’appuieraient tou·tes les chercheur·es en études de genre — au contraire, et parfois ces définitions et théorie se contredisent entre elles. Il est possible, par exemple, de parler de « genres », au pluriel donc; on ne parle donc plus du système que je décrivais ci-dessus, mais on se situe plutôt dans le cadre de la théorie queer. Il y a aussi les définitions qui circulent dans les milieux militants et sont appropriées par leurs acteurs et actrices, définitions qui peuvent s’éloigner, parfois radicalement, des théorisations universitaires (bien que je n’aime pas présenter le couple militantisme / recherche de manière binaire). Les militant·es trans, par exemple, parlent souvent de genre personnel, ressenti, vécu, donc dans une perspective psychologique dont ont justement cherché à s’éloigner les études de genre. Je ne sous-entends pas que l’une ou l’autre définition soit plus légitime que l’autre, je souligne simplement leur multiplicité, souvent oubliée.

MASCULINITE

Articles de ce blog traitant de cette question:
Caractéristique « féminines », caractéristiques « masculines »
Masculinité hégémonique

En français, on distingue masculinité et virilité; cette distinction n’existe pas pour le féminin. (On peut aussi, au passage, remarquer que s’il existe des « masculinity studies », personne ne parle de « femininity studies ».) La virilité réfère à l’homme adulte et désigne l’ensemble des qualités et attributs qui lui sont culturellement associés: force, vigueur, courage… Le terme est généralement employé de manière positive, surtout en ce qui concerne la sexualité: il est attendu d’un homme qu’il possède ces attributs de virilité. Bien que « virilité » et « masculinité » soient généralement présentés comme synonymes, ce n’est pas le cas. Ainsi, tout ce qui est viril est masculin, mais tout ce qui est masculin (relève du sexe mâle) n’est pas forcément viril; une femme peu féminine sera qualifiée de « masculine », rarement de « virile ».

Dans mon article sur la masculinité hégémonique, j’expliquais:

« L’historien John Tosh, dans Manliness and Masculinities in Nineteenth-Century Britain, explique que la virilité (« manliness ») est toujours conjuguée au singulier […]. Il s’agit d’une façon unique d’être un homme, s’exprimant à travers des attributs physiques et des dispositions morales; un homme correspondra alors plus ou moins à cet idéal normatif, mais ce dernier est présenté comme étant sans alternative. Les attributs associés à la virilité sont le fruit d’un effort et source de fierté. Tosh parle en revanche (comme le font en général les théoricien·nes des masculinity studies) de « masculinités » parce que le concept se veut pluriel et non normatif. Il s’agit, à une époque et dans un contexte social donnés, de l’ensemble des éléments socialement reconnus comme devant être le propre des hommes; ce n’est donc pas une notion universelle, elle est socialement et historiquement située.
Le concept de « masculinité(s) », dans ce sens, est récent, même si le mot ne l’est évidemment pas. »

MASCULINITE HEGEMONIQUE

Comme j’ai consacré tout un article à ce concept, je me contente ici d’en reprendre les éléments principaux.

Il s’agit d’un concept qui apparaît dans les années 1980. La théoricienne la plus connue des masculinity studies est la chercheuse trans australienne Raewyn Connell; c’est elle qui donne sa forme actuelle au concept. Le but est de montrer qu’au-delà d’une conception normative de LA masculinité, il existe différentes formes de masculinité liées par des rapports de pouvoir; la masculinité dite « hégémonique » est considérée comme l’archétype de la masculinité et en constitue la forme la plus privilégiée. Connell la définit de la manière suivante:

La masculinité hégémonique est toujours l’expression hégémonique de la masculinité dans un contexte précis : elle est la stratégie qui permet à un moment donné et en un lieu donné aux hommes et aux institutions qu’ils représentent d’asseoir leur domination. Parfois, ses fondements sont remis en cause, par exemple suite à l’effondrement d’un système politique ou économique, mais elle ne disparaît pas, simplement remplacée par de nouvelles formes d’hégémonie reprenant à nouveaux frais les mêmes ressorts de pouvoir. (source)

Connell propose une typologie permettant d’appréhender les différents types de masculinités (dans les pays occidentaux). Ces catégories ne sont pas fixées de toute éternité mais historiquement situées. Elle distingue ainsi, outre la masculinité hégémonique:

    – des formes de masculinité « complices», qui participent de la masculinité hégémonique sans toutefois la réaliser pleinement ni bénéficier totalement des privilèges qui en découlent. Connell décrit les hommes participant de ce type de masculinité comme admirant / aspirant à la masculinité hégéomique;
    – des masculinités « marginalisées», soumises à l’emprise de la masculinité hégémonique et qui en sont exclues du fait de certains facteurs, comme la « race » ou le handicap;
    – des masculinités « subordonnées», comme les masculinités homosexuelles, qui servent de figure repoussoir et présentent des caractéristiques opposées à celles qui sont valorisées dans le cadre de la masculinité hégémonique.
Caractéristiques "masculines"

Caractéristiques « masculines »

SEXE

Références ici et ailleurs:

    Quels sont les rapports entre sexe et genre?
    « Sexes et races, deux réalités »: une réponse à Nancy Huston et Michel Raymond
    La mémoire des concepts: le système sexe/genre (Noémie Marignier)
    Le sexe est-il du genre? (Noémie Marignier)

Il peut sembler a priori étrange de définir le concept de sexe, qui paraît sûrement évident pour une grande majorité d’entre vous. Pourtant il est essentiel de l’inclure dans ce lexique pour au moins 2 raisons:
– pour dépasser, justement, cette évidence, qui cache une situation des plus complexes;
– parce que, historiquement, le genre a été pensé par rapport au sexe (opposition, continuité…).
Le concept de genre tel qu’il est utilisé par les féministes et en études de genre a d’abord été pensé dans un rapport d’opposition à l’égard du sexe. Dans les années 70-80 (j’y vais à gros traits), on considérait donc que le sexe était du côté du biologique et le genre du côté du social; le second devait constituer un objet privilégié pour la sociologie notamment, le premier devait être exclu du champ d’investigation des sciences humaines et sociales et laissé aux sciences de la vie. Les théoricien·es du genre ont commencé à revenir sur cette opposition dans les années 1980. En effet, on commence à comprendre que le sexe était, lui aussi, un objet social: les caractéristiques anatomiques, génétiques, chromosomiques et autres relevant de la sexuation n’ont en effet pas de sens en elles-mêmes, elles n’ont de sens que celui qu’on leur donne. Autrement dit, c’est en parlant du sexe et en tentant de le comprendre qu’on lui confère un sens; ce sens ne préexiste pas à notre regard, c’est-à-dire au social. Ou pour le dire encore en d’autres termes: il est possible que dans le sexe, puisqu’il y a déjà du social, il y ait aussi déjà du genre; il est possible que nous concevions le sexe en fonction des représentations que dicte le système du genre et des hiérarchisations qu’il implique.

SEXUALITE(S)

Contrairement au sexe et au genre, c’est une notion que je n’ai traitée que de façon secondaire sur ce blog, bien qu’elle y ait été présente en permanence de manière implicite, pour des raisons que j’explique ci-dessous. Quelques références ailleurs:

    Genre et sexualité: le premier de nous deux… (Noémie Marignier)
    Pourquoi penser la sexualité pour penser le genre en sociologie? (Isabelle Clair)
    – Un ouvrage de référence: Sexualité de Jeffrey Weeks.

Le mot et le concept de sexualité sont récents, puisqu’ils datent en anglais des années 1800 et en français des années 1860. Même si le terme est devenu extrêmement commun, il faut comprendre comment et pourquoi il a émergé afin de comprendre les usages qui en sont faits aujourd’hui.

Le XIXème siècle est encore marqué par le règne d’une conception biologisante des relations sexuelles; les enfants et les vieillards, par exemple, sont considérés comme n’ayant pas de sexualité, puisque celle-ci (sans que le concept n’existe encore) est tout entière réduite à la reproduction sexuée. Il est donc impossible de penser la sexualité sans le genre, puisque dans « reproduction sexuée » il faut entendre à la fois le sexe et les rapports sexuels. Il faut attendre le XXème siècle pour que des disciplines nouvelles comme la psychanalyse ou la sexologie ne permettent de revoir ce paradigme, et pour que la médecine perde le monopole sur la sexualité: émergent alors, par exemple, des réflexions féministe, néo-malthusiennes, socialistes de la sexualité, qui débouchent sur les militantismes des années 1960 et 70 (féministe, LGBT, …) qui lui accordent une place centrale.

Aujourd’hui, la sexualité se conçoit comme une relation sexuelle réciproque, ce qui constitue un tournant majeur par rapport à des époques de l’histoire où on la pensait seulement en termes d’action d’une personne sur une autre. Cela ne signifie pas pour autant qu’il y ait besoin d’être deux pour qu’il y ait sexualité: la masturbation, par exemple, est désormais reconnue comme un acte sexuel. De plus, au-delà de la normativité qui sous-tend LA sexualité, il est possible de penser DES sexualités qui dépendent non plus des pratiques sexuelles mais de l’orientation sexuelle des partenaires – terme que j’aborderai à part.

strongIl existe de multiples manières de penser la sexualité à l’aide du concept de genre. La sociologie du genre, par exemple, réfléchit aux liens entre inégalités liées au genre et expérience concrète de la sexualité; les études gaies et lesbiennes peuvent notamment s’interroger sur les rapports entre sexisme et homophobie, et la science politique sur l’articulation entre, d’une part, genre et sexualité et, d’autre part, les mouvements féministe et LGBT.

SOCIALISATION DE GENRE

Cf. les articles CONSTRUCTIONNISME et ESSENTIALISME.
Ce sujet a été traité sur ce blog notamment dans « Compagnon persiste et signe… Ca tombe bien, nous aussi », article co-écrit avec Denis Colombi.

Il n’existe pas d’essence de la masculinité ni de la féminité. Nous apprenons, de multiples manières et dès la plus tendre enfance, comment être des hommes et des femmes, c’est-à-dire quels comportements sont attendus de nous en fonction de notre appartenance de sexe. En sociologie, on appréhende cela notamment à travers la notion de socialisation de genre, qui désigne la manière dont le genre est appris et transmis d’une génération à l’autre, via des institutions comme l’école, la famille, les médias… Pour la sociologue Muriel Darmon, la socialisation désigne

l’ensemble des processus par lesquels l’individu est construit — on dira aussi « formé », « modelé », « façonné », « fabriqué », « conditionné » — par la société globale et locale dans laquelle il vit, processus au cours duquel l’individu acquiert — « apprend », « intériorise », « incorpore », « intègre » — des façons de faire, de penser et d’être qui sont situées socialement. (La socialisation, Armand Colin, 2006, p. 6)

La socialisation de genre, c’est le processus par lequel chacun·e, dès la naissance, apprend à se comporter, à parler, à se tenir et à penser au sein du monde, en fonction de la différence des sexes. On apprend des pratiques, des gestes, des réflexes qui nous semblent ensuite « naturels », tant nous y sommes habitué·es. La socialisation de genre doit être mise en relation avec d’autres types de rapports sociaux: des rapports d’âge, de classe sociale, de « race » au sens social, etc.

Les manières d’apprendre à être une fille ou un garçon, une femme ou un homme, sont multiples. On ne donne pas aux enfants les mêmes jouets ni les mêmes vêtements selon qu’ils sont d’un sexe ou de l’autre; on encourage en classe les garçons à parler et on accepte des comportements turbulents, alors que les filles doivent être discrètes et disciplinées; les enfants de couples hétérosexuels voient encore, majoritairement, leur mère s’occuper des tâches ménagères et leur père de tout ce qui concerne les activités extérieures… La famille et l’école sont des institutions centrales dans la socialisation de genre, mais cet apprentissage ne se limite pas à l’enfance, loin de là: les frontières entre les sexes sont réaffirmées tout au long de la vie, que ce soit par exemple à travers les représentations médiatiques (publicités, personnages de cinéma…) ou des pratiques sportives, culturelles, etc.

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